
VOIES DE RECOURS
Les Violences faites aux femmes et aux filles (VFF) bénéficient encore d’une forte perception positive dans la société, rendant difficile la dénonciation. Cette tolérance des VFF ne facilite pas la prise en charge des victimes, encore moins la répression des auteurs. Il n’est pas rare de voir des femmes enclencher une procédure et se désister par la suite. Ces cas de désistement sont souvent mal interprétés en ce qu’ils sont présentés comme étant un témoignage du fait que les femmes ne savent pas elle-même ce qu’elles veulent. Une analyse plus approfondie mérité d’être faite. Il faut d’abord comprendre que dans la société béninoise, il existe une forte propension au règlement à l’amiable des conflits, sans une intervention de l’Etat. Ainsi, le fait qu’un cas de violence soit porté devant les structures étatiques est mal vu, pire quand il s’agit de phénomènes bénéficiant d’une perception positive. Cela entraine de fortes pressions sociales qui conduisent les femmes à abandonner les procédures. Ensuite, il existe une forte dépendance économique des femmes envers les hommes. Cela rend difficile la dénonciation de l’auteur en même temps pourvoyeur de ressources ou bénéficiant de la protection du pourvoyeur de ressources.
Plusieurs voies de recours sont à la disposition de la victime :
Les Organisations de la société civileIl existe de nombreuses Organisations non gouvernementales et associations de protection des droits humains qui militent pour l’égalité femme-homme et la promotion des droits des femmes. Certaines de ces organisations disposent en leur sein de cliniques juridiques ou de services d’écoute et d’assistance juridique auxquels peuvent se référer les victimes. Ces cliniques et services offrent différents services gratuits aux victimes allant de l’écoute à l’orientation vers d’autres structures en passant par la résolution et l’appui à la prise en charge sanitaire. Ces organisations de la société civile ont pour avantage d’être très proches des populations et donc plus faciles d’accès. Elles ont aussi le mérite d’effectuer un suivi des cas, rendant impossible leur banalisation par les services des officiers de police judiciaires. Toutefois, le manque de ressources financières ainsi que le manque de formation et de professionnalisme peuvent entraver le travail effectué par certaines de ces organisations.
Les Centres de promotion sociale
Ces centres qui sont des structures déconcentrées du Ministère en charge de la famille et des affaires sociales sont placés par la loi 2011-26 au cœur de la prise en charge des victimes de VFF. Ces centres doivent faire bénéficier aux victimes des services sociaux d’urgence, d’accueil et d’assistance à travers une prise en charge pluridisciplinaire durable comprenant :
- l’information des victimes ;
- le soutien psychologique et psychiatrique ;
- le soutien social ;
- le soutien sanitaire ;
- le service des officiers de police judiciaire ;
- le suivi des démarches juridiques et administratives ;
- la formation préventive sur l’égalité femmes / hommes ;
- le soutien à la formation et à l’insertion professionnelle ;
- la facilité d’accès aux centres d’accueil.
Un centre de promotion sociale est créé dans chaque commune. De plus, les communes à statut particulier disposent de plusieurs centres de promotion sociale.
Outre ces institutions, les voies juridictionnelles de recours qui se présentent à la victime de VFF sont les suivantes en matière pénale.
La Police républicaine
Les unités de police reçoivent les cas de violences faites aux femmes et aux filles constitués en infractions à la loi pénale. Leur travail en la matière consiste à effectuer les enquêtes préliminaires, rechercher et appréhender le(s) présumé(s) auteur(s) ainsi que le(s) complice(s) et le(s) présenter au Procureur de la République accompagné du procès-verbal d’enquête préliminaire.
Les victimes de VFF peuvent aller se plaindre directement auprès des unités de police sans avoir à passer par les ONG/associations ou le Centre de promotion sociale.
Les unités de police peuvent aussi recevoir les dénonciations de cas de VFF provenant de tiers. Ces unités de police sont le plus souvent les premiers contacts des victimes. Ainsi, à coté de leur rôle de police judiciaire, elles jouent aussi un grand rôle en matière d’orientation. Elles peuvent aussi se charger de confier, sur instruction du Procureur de la République ou du juge d’instruction, les victimes aux centres de promotion sociale en vue d’une prise en charge psychologique et d’autres suivis nécessaires pour leur le rétablissement.
Le Procureur de la République
Il reçoit les plaintes et dénonciations relatives aux cas de VFF soit directement, soit par l’entremise des officiers de police judiciaire. Il décide de la suite à donner à ces plaintes et dénonciations. Toutefois, quand il décide de classer sans suite une plainte, il doit en informer par écrit la partie plaignante.
Selon les cas, le Procureur peut présenter le(s) présumé(s) auteur(s) et le cas échéant le(s) complice(s) au tribunal en vue de son/leur jugement s’il s’agit d’un flagrant délit ou le(s) renvoyer devant le juge d’instruction. Mais lorsque le Procureur classe sans suite, la victime dispose encore d’autres moyens pour le contraindre à poursuivre. Ainsi, la victime peut se constituer partie civile ou exercer un recours contre la décision du Procureur de la République auprès du Procureur général. Dans ce dernier cas, le Procureur Général pourra instruire le Procureur de la République pour poursuivre, ce dernier devant s’exécuter. Dans le premier cas, la plainte avec constitution de partie civile est adressée au juge d’instruction qui se chargera d’ouvrir l’information.
Le juge d’instruction
Il est chargé des informations judiciaires en ce qui concerne les cas de VFF. Il est saisi par le Procureur de la République. Toutefois, il peut être saisi directement par la victime à l’aide d’une plainte avec constitution de partie civile, au cas où sa plainte aurait été classée sans suite par le Procureur de la République. Mais, pour que la plainte avec constitution de partie civile puisse prospérer, la partie plaignante devra s’acquitter des frais de procédure fixés par le juge d’instruction, à moins d’en avoir été exonéré par lui.
A la fin de l’information, le juge d’instruction peut prononcer un non-lieu total ou partiel s’il considère que les faits ne constituent ni crime, ni délit, ni contravention, ou si l’auteur est resté inconnu ou s’il n’y a pas de charges suffisantes contre l’inculpé. Si le juge d’instruction estime que les faits constituent une contravention ou un délit, il prononce le renvoi devant le tribunal correctionnel. S’il estime par contre que les faits constituent un crime, il ordonne la saisine de la chambre d’accusation.
Toutefois, en cas de non-lieu prononcé après une information ouverte sur plainte avec constitution de partie civile, les inculpés et les personnes visées dans la plainte peuvent demander des dommages et intérêts, sans préjudice des poursuites pour dénonciations calomnieuses.
Il faut souligner que l’instruction est facultative en matière délit mais obligatoire en matière de crimes.
Le juge des mineurs ( juge des enfants)
Il est chargé de l’information quand l’auteur ou l’un au moins des auteurs est mineur. Il intervient aussi quand la victime ou l’une des victimes est mineure. Il peut rendre une ordonnance de non-lieu total ou partiel ou prononcer un renvoi devant le tribunal pour enfant ou devant le tribunal correctionnel. Il est aussi compétent pour recevoir les actions civiles. Ainsi, l’article 660 du code de procédure pénale béninois prévoit que « L’action civile peut être portée devant le juge des enfants ou la juridiction pour enfants ». Ce qui suppose qu’en cas de viol ou de violences portant sur un mineur, l’action civile en réparation du préjudice pourra être portée devant un tel juge. Il faut signaler d’ailleurs au passage que pour toutes les infractions commises par un enfant ou impliquant un mineur, une procédure spéciale et appropriée est observée. Et, le juge des enfants intervient à différentes étapes de la procédure, avec un avis qui est quelques fois déterminant. Il est d’ailleurs le seul juge compétent pour présider les juridictions pour enfants.
La chambre d’accusation
Elle peut être saisie par le Procureur en cas de crime flagrant. Elle est aussi saisie par l’ordonnance du juge d’instruction pour les infractions de VFF constituant des crimes. Enfin, elle peut connaitre des recours contre les ordonnances du juge d’instruction. Elle peut prononcer un non-lieu lorsqu’elle que les faits ne constituent ni crime, ni délit, ni contravention, ou si l’auteur est resté inconnu ou s’il n’y a pas de charges suffisantes contre l’inculpé. Elle prononce la mise en accusation devant la cour d’Assise quand elle considère que les faits constituent un crime. Si elle considère que les faits constituent un délit ou une contravention, elle renvoie le dossier devant le tribunal correctionnel (pour les délits) ou le tribunal de police (pour les contraventions).
Les juridictions de jugement
Le tribunal de première instance peut condamner, prononcer l’absolution ou la relaxe. Il renvoie le Ministère public à mieux se pourvoir s’il considère que les faits dont il est saisi constituent un crime. Il est donc la juridiction compétente en matière correctionnelle. A ce titre lorsque les violences ne constituent qu’un simple délit, le tribunal correctionnel serait alors seul compétent pour connaitre de l’affaire quant au fond. Mais lorsqu’il s’agit d’un crime, la cours d’assise est compétente pour connaître de l’affaire.
La Cour d’assises peut prononcer soit une condamnation, soit une absolution (l’accusé bénéficie d’une excuse absolutoire) soit un acquittement (les faits ne tombent pas ou plus sous l’application de la loi pénale ou l’accusé est déclaré non coupable). Elle serait par exemple compétente lorsque les violences sont accompagnées d’autres circonstances qui aggravent l’infraction. Elle est une juridiction d’exception composée à la fois de professionnels (Juges) et de simple citoyen particuliers (Jurés). Elle est temporellement composée dans les cours d’appel.
L’appel
Les décisions rendues par les tribunaux de première instance peuvent faire l’objet d’un appel devant la cour d’appel dans un délai de quinze jours à compter du jugement contradictoire ; après signification du jugement quel qu’en soit le mode au prévenu ou au civilement responsable en cas de débats ou jugement réputés contradictoires. Le droit d’appel appartient à la victime pour les intérêts civiles, au prévenu, à l’assureur, au Procureur de la République, au Procureur Général et à l’administration publique quand elle exerce l’action publique. L’affaire est alors réexaminée à nouveau. La cour peut confirmer le jugement ou l’infirmer en tout ou partie.
Le pourvoi en cassation
Le pourvoi en cassation est possible contre les arrêts de la chambre d’accusation et les décisions rendues en dernier ressort par les juridictions de jugement (tribunal de première instance, Cour d’appel et Cour d’Assise). Il est exercé devant la chambre judiciaire de la Cour Suprême. Ce droit appartient au ministère public ou à la partie à qui il est fait grief. Le délai pour se pourvoir en cassation en matière pénale est de trois (03) jours francs.
Les voies juridictionnelles de recours en matière civile sont les suivantes :
Les voies de recours civiles
Les juridictions pénales peuvent connaitre en principe de l’action civile (action tendant à la réparation du préjudice causé à la victime à l’occasion de l’infraction). Ainsi, en se constituant partie civile, la victime peut se voir attribuer des dommages et intérêts par les juridictions de jugement au cours du procès pénal. Ainsi, donc après s’être prononcée sur la constitution de l’infraction et le cas échéant sur la sanction, la même juridiction se prononcera sur les dommages et intérêts que l’auteur des violences ou ses ayants droits (ou ayants cause) devra/devront verser à la victime.
Aux juridictions pénales, s’ajoute le juge civil. C’est normalement le Tribunal de première instance qui est compétent pour connaitre de la réparation de tous les préjudices causés à la victime du fait de l’infraction. Ainsi, le juge se prononcera pour constater le dommage et fixer les montant des dommages et intérêts. C’est le lieu de préciser que l’auteur de l’infraction n’est pas la seule personne tenue civilement de réparer le préjudice. Les ayant cause ou les autres subrogés (agence d’assurance) par exemple peuvent être tenus responsables civilement. Avec la décision de justice, la victime de VFF pourrait se faire attribuer des dommages et intérêts sous forme d’argent à titre compensatoire. Et à défaut, elle pourra engager une procédure d’exécution forcée faisant intervenir l’huissier pour la saisie des biens de l’auteur ou des ayant droits ou ayant cause. Puis, elle pourra procéder à la vente par un commissaire-priseur pour se faire payer sur le prix de la vente des biens saisis. Les voies de recours judiciaires devant la cour d’appel et la cour suprême sont, bien évidemment, ouvertes dans la limite d’un certain délai contre la décision du tribunal de première instance.