VIOL

 

Le viol est régi au Bénin par un ensemble de lois, partant du Code pénal au Code de l’enfant en passant par la loi sur les violences faites aux femmes et aux filles et l’arrêté interministériel relatif aux sanctions à infliger aux auteurs de violences sexuelles dans les écoles.

Le Code pénal béninois dit Code pénal Bouvenet avait énoncé les sanctions à infliger aux auteurs du viol sans pour autant définir l’infraction. Mais très rapidement, la jurisprudence et la doctrine se sont accordées pour exiger la conjonction sexuelle entre deux personnes de sexes opposés pour la qualification du viol.

L’arrêté interministériel relatif aux sanctions à infliger aux auteurs de violences sexuelles dans les écoles a défini le cadre des sanctions notamment disciplinaires à appliquer en la matière.

Il a fallu attendre la loi 2011-26 portant prévention et répression des violences faites aux femmes et aux filles en République du Bénin pour que le législateur donne une véritable définition du viol. La définition donnée bouscule un peu les habitudes judiciaires et permet au Bénin de rattraper son retard quant à certains actes constitutifs de viol qui étaient précédemment qualifiés d’atteinte à la pudeur. Ainsi, à travers cette loi, des notions comme le viol anal, le viol buccal, le viol domestique et la présomption de viol sur mineure de 16 ans ont fait leur apparition.

Le Code de l’enfant (Loi n°2015-08) en plus de récapituler et de préciser la définition du viol donné par la loi sur les violences faites aux femmes et aux filles énumère les sanctions encourues en cas de viols perpétrés notamment sur les femmes enceintes et les mineurs.

La loi sur les violences faites aux femmes et aux filles au Bénin (article 3) définit le viol comme tout acte de pénétration vaginale, anale ou buccale par le sexe d’autrui ou la pénétration vaginale ou anale par un quelconque objet sans le consentement intelligent et volontaire de la personne pénétrée.

Cette définition a été récapitulée et reprécisée par le Code de l’enfant (article 189) qui dispose qu’est considéré comme un viol, tout acte sexuel imposé par une contrainte physique ou psychologique sans le consentement intelligent et volontaire de la victime par :

  • tout homme, quel que soit son âge, qui aura introduit son organe sexuel, même superficiellement dans celui d’une femme ou toute femme, quel que soit son âge, qui  aura  obligé  un  homme  à  introduire  même  superficiellement  son  organe sexuel dans le sien ;
  • tout homme qui aura pénétré, même superficiellement l’anus, la bouche ou tout autre orifice du corps d’une femme ou d’un homme par un organe sexuel, par toute autre partie du corps ou par un objet quelconque ;
  • toute personne qui aura introduit, même superficiellement toute autre partie du corps ou un objet quelconque dans le vagin de la femme.

Il apparaît donc à la lumière de cette définition que le viol buccal et le viol anal sont désormais reconnus à côté du viol vaginal. Il convient aussi de relever qu’avec cette définition, les personnes des deux sexes peuvent être victimes de viol de même qu’un viol entre personnes de même sexe est possible.

Il convient aussi de souligner que le code pénal récemment adopté connait aussi une évolution par rapport à l’ancien code pénal. En effet, le nouveau code pénal, en instance de promulgation, définit le viol comme « Tout acte de pénétration sexuelle, de quelque nature qu’il soit, commis sur la personne d’autrui, par violence, contrainte, menaces ou surprise ».

La loi sur les violences faites aux femmes et aux filles a précisé, en donnant la définition du viol, que le consentement n’est pas valable chez les femmes mineures de moins de seize (16) ans (Article 3). Cela revient donc à dire que les relations sexuelles entretenues avec une fille mineure de moins de seize (16) ans sont considérées comme des cas de viol, peu importe qu’elle ait donné son consentement.

L’une des innovations majeures de la loi sur les violences faites aux femmes relativement à l’infraction de viol a été de faire entrer formellement dans le droit positif béninois la notion de viol conjugal ou domestique. En effet, la loi prévoit que le fait d’être marié à la personne pénétrée n’est pas une excuse au crime de viol (Article 3).

Cette disposition de la loi n’est pas restée sans susciter des remous. Pour beaucoup, il est inadmissible qu’on parle de viol au sein d’un ménage entre deux personnes mariées, furent-elles concubines. Certains vont même au-delà, arguant du fait que d’un point de vue coutumier, l’une des raisons majeures justifiant la présence d’une femme dans la maison conjugale est l’obligation de tenir le lit qui impliquerait un consentement tacite pour toute relation sexuelle intervenant dans le cadre du ménage. Il faut cependant relever que ces arguments sont juridiquement non fondés. D’abord, aux termes de l’article 126, al 2 du Code des personnes et de la famille, seul le mariage célébré devant l’officier d’état civil est reconnu et est habilité à produire des effets juridiques. Autrement dit, la plupart des ménages béninois, n’étant pas passés devant un officier d’état civil vivent une situation simple de concubinage et non de mariage. Qu’à cela ne tienne. Même quand le mariage est légalement constitué entre les parties, cela n’implique pas le droit pour une partie d’imposer des relations sexuelles à l’autre. A cet égard, du point de vue des droits subjectifs, les époux conservent dans les liens du mariage leur droit à l’intégrité physique, y compris sexuelle. Cela rend alors possible d’un point de vue juridique le viol entre époux et plus encore entre concubins.

Le viol est une infraction dont la preuve n’est pas facile à apporter. L’infraction se déroule souvent à l’abri des regards et a pour scène de crime le corps de la personne. Il est donc fréquent de se retrouver en face de témoignages contradictoires où la version des faits de la victime est contredite par l’auteur qui dit souvent s’être mépris sur son consentement. Il est vrai qu’en la matière, la loi sur les violences faites aux femmes et aux filles facilite un peu la répression en énonçant d’une part que la personne pénétrée n’est pas tenue de se battre contre son agresseur (article 3) et d’autre part que le témoignage d’une victime peut à lui seul soutenir l’intime conviction du juge (article 15). Cela revient donc à dire que les traces de résistance physique qu’on avait tendance à exiger pour qualifier un acte de viol ne sont plus juridiquement pertinentes. Si, de tels éléments peuvent rendre moins contestables les faits, il n’en demeure pas moins que leur présence n’est pas indispensable à la qualification de l’infraction.

Il est cependant important de présenter la victime à un agent de santé compétent dans les minutes ou les heures suivant les faits pour les constats et une prise en charge découlant sur l’établissement d’un certificat médical.

Aux termes de l’article 3 de la loi sur les violences faites aux femmes et aux filles, la zoophilie s’entend du fait pour toute personne par ruse, violences, menaces ou par toute forme de coercition ou artifice, de contraindre une personne à avoir des relations sexuelles avec un animal. Elle est punie d’un emprisonnement d’au moins dix (10) ans et d’une amende qui ne saurait être inférieure à vingt-cinq millions (25 000 000) de francs.

1-) Quand on est victime d’un acte de viol, la première chose à faire est de se rendre dans le centre de santé le plus proche pour les constats et une prise en charge devant découler sur l’établissement d’un certificat médical. Ce déplacement vers le centre de santé devra être dans les minutes suivant l’acte et avant que la victime ait fait sa toilette intime.

2-) Parallèlement ou juste après la prise en charge sanitaire, il faudra porter le cas à la connaissance du service des officiers de police judiciaire (Police républicaine) le plus proche et porter officiellement plainte.

3-) Il faudra aussi informer le Centre de promotion sociale territorialement compétent du cas en vue d’une contribution à la prise en charge pluridisciplinaire de la victime.

4-) Les ONG de protection des droits des femmes pourraient aussi être informées en vue d’un meilleur suivi des cas et d’éviter son éventuelle banalisation par les personnes chargées de sa gestion.

Le viol est une violence souvent invisible. Du point de vue de la sociologie, ce phénomène est analysé le plus souvent, comme étant  ancré dans la structure sociale et culturelle de nos  sociétés. C’est pour cela que dans les échanges sur le viol, sont tenus des discours sur le genre qui questionnent « tout naturellement” le rôle de la victime, son ‘‘image’’, l’image de la femme en général, de celle de l’agresseur, du contexte de l’agression »[1], etc.

L’analyse des mécanismes et des rapports sociaux en jeu derrière cette réalité sociale montre  qu’elle est aussi ancrée dans notre structure sociale du fait de « l’existence de normes sexuées et sexistes ». Des normes sexuées qui engendrent des stéréotypes servant à sexualiser le corps de la femme, à considérer son ‘‘ Non’’ comme un ‘‘Oui’’ et dans tous les cas, à la soumettre aux désirs des hommes. La femme est en effet « considérée comme objet dans un  monde sexuellement hiérarchisé ». [2]

La persistance de ces stéréotypes et représentations sociales du corps de la femme soulève des questionnements sur les rapports entre femmes et hommes. La société béninoise étant organisée selon le principe du primat de la masculinité, tous les rapports de genre sont soumis à la domination masculine. Cette « domination masculine » alimente la « culture du viol  et le déni du viol ».  La « culture du viol »[3] par un habile retournement met en cause la victime et non l’agresseur. En outre, les viols se produisent dans le cadre d’inégalité de pouvoir ; ce qui explique que les enfants en soient les principales victimes, puis les femmes, et, les personnes handicapées et discriminées. En résumé, le viol peut être donc analysé comme le résultat de la  construction sociale du corps de la femme en particulier et des rapports de genre en général. Une fois encore, l’intériorisation de ces normes sexuées conçues socialement en faveur des hommes empêche les femmes de s’imaginer toute possibilité d’être épargnée. Cet état de résignation est accentué par leur méconnaissance des textes juridiques qui les protègent et qui garantissent leurs droits.

De par sa complexité inhérente, comprendre l’acte qu’est le viol revient à rechercher ses causes ou à lui trouver des explications. Aux dires des personnes qui en sont victimes, il ressort d’une part que les causes directes du viol sont la perversion du psychisme, la maladie mentale, ou un mélange des deux. D’autre part, leurs témoignages convergent pour décrire l’agression sexuelle comme un simulacre d’accouplement dans lequel l’agresseur exhibe son impuissance. De fait, la vérité clinique de la plupart des viols présente plutôt les auteurs comme des immatures sexuels en quête de domination à défaut de séduction, incapables de croiser le regard de leur victime, souvent atteints de difficultés d’érection ou prisonniers de rituels masturbatoires.

Sur le plan psychologique, le viol correspond de façon certaine à un acte de violence plutôt qu’à un acte sexuel, et semble traduire le besoin de puissance, d’agressivité ou l’expression d’une colère. En effet, les hommes ayant été eux-mêmes victimes d’abus, de viol ou de tout autre rapport sexuel forcé sont plus susceptibles de commettre des viols. Des antécédents de violence exercée contre un partenaire, la discrimination sexuelle dont les hommes sont parfois victimes au cours des entretiens d’embauche ou toute situation du genre, le fait de payer pour avoir des rapports sexuels, le dénigrement moral et psychologique reçu de la part d’une conquête, et la multiplicité des partenaires sexuels ; tout cela contribuerait très fortement au passage à l’acte sur une personne autre que la partenaire de l’agresseur.

Plus loin, la compréhension du viol est aussi à chercher dans les rapports entre l’hallucination de désirs contemporains des premiers mois de vie (registre de la psychose) et la réalité extérieure assimilée au fil de l’existence. Ainsi, des défaillances initiales vécues dans la relation mère enfant pourraient aussi être à l’origine de l’acte de viol ultérieur.

Le viol porte très gravement et de façon durable atteinte à la dignité de la personne, peu importe son âge. Ses répercussions psychologiques, morales et sociales sur la vie des victimes sont considérables, surtout lorsqu’elles n’osent pas en parler et que, de ce fait, aucune aide adéquate ne peut leur être apportée.

Sans aucune aide extérieure, il est difficile, voire impossible pour la victime du viol de se reconstruire ou de rebondir face à un traumatisme qui affecte profondément sa propre estime et sa résilience (capacité à vivre, à se développer en dépit de l’adversité).

Sans pour autant être exhaustif, on peut citer les principales conséquences psychiques et psychologiques suivantes :

  • Sidération avec pertes de mémoire, sentiment de peur permanent, stress posttraumatique, dépression, angoisse, insomnie, trouble du sommeil, baisse de l’estime de soi, manque d’assurance et de confiance en soi, dégoût de soi, de son corps, de son image
  • Fort sentiment de honte et d’auto culpabilité puis un sentiment de saleté.
  • Hyper sexualité : certaines victimes multiplient par la suite les partenaires et/ou les expériences sexuelles, allant parfois même jusqu’à la prostitution. Cela peut paraître étrange, mais le but est d’essayer d’effacer le viol en le recouvrant d’expériences multiples. Il peut aussi s’agir de chercher à prendre le contrôle de sa sexualité sur l’autre, de devenir chasseur plutôt que victime.

En l’absence d’un suivi psychologique adapté la victime peut entrer en dépression et développer des idées suicidaires.

A ces conséquences qu’on pourrait qualifier de psychologiques, on pourrait ajouter :

  • La perte de confiance en l’autre ;
  • Les difficultés relationnelles (agressivité, isolement social, violence conjugale, dégoût ou haine des hommes) ;
  • Les difficultés autour de la maternité;
  • Conduite additive et d’autodestruction (tentative ou idée suicidaire, automédication abusive) ;
  • Les difficultés professionnelles (abandon au travail, chômage, stagnation, instabilité, échec scolaire) ;
  • La délinquance ;
  • La toxicomanie (le tabac, l’alcool, les drogues…)

Le port du préservatif étant impossible à négocier dans le cadre d’un viol, cette infraction peut découler sur une grossesse non désirée avec tout ce que cela implique en termes de conséquence. De même, il peut y avoir transmission d’infections sexuellement transmissibles dont le SIDA. A cela peuvent s’ajouter des traumatismes et des invalidités.

Le Viol est considéré comme un crime. Ainsi, L’auteur de viol est puni de travaux forcés à temps pouvant aller de 5 à 20 ans (articles 332 et 19 du Code pénal).

Si le coupable a une autorité sur la victime ou est une des personnes énumérée dans l’article 333 (ascendant, instituteur serviteur à gage ou ministres de cultes), la peine est celle de la réclusion criminelle à perpétuité quel que soit l’âge de la victime.

En cas de pluralité des auteurs du viol, la peine est celle de la réclusion criminelle à perpétuité. 

L’existence d’une relation domestique entre l’auteur et la victime constitue une circonstance aggravante et conduira à l’aggravation de la peine maximale d’au moins dix (10) ans (article 30 de la loi sur les violences faites aux femmes).

Le viol sur femme enceinte ou sur mineur de plus de treize (13) ans est puni de dix (10) à vingt (20) ans de réclusion criminelle (article 345 du Code de l’enfant).

Le viol sur mineur de moins de treize ans est puni de la réclusion criminelle à perpétuité (article 345 du Code de l’enfant).

La réclusion criminelle de quinze (15) à vingt (20) ans et une amende de cinq cent mille (500.000) à cinq millions (5.000.000) de francs CFA sont prévues si le viol est le fait du parent, du tuteur ou de toute personne exerçant une autorité sur l’enfant.

La tentative de viol est punie comme le viol lui-même.

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Lire notre BD sur le viol

[1] Herasse C., 2011, « Le viol : mécanismes sociaux, représentations et expériences. Regard sociologique sur un crime de l’intime », projet de thèse en sociologie. 

[2] Durand-Girardin E., 2017, « Les violences sexuelles faites aux femmes : Une approche sociologique » 

[3] Ibid